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Fiche disque de ... 
                
                  Léo Ferré  - Préface
 
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		    		     Titre : Préface 
					                     
		                		      		        Année : 1973 
		        
		      
                      Auteurs compositeurs : Léo Ferré  
                       
		      
		      Pochette : Genevieve Vanhaecke  / Patrick Ullmann  
                     
                                           Durée :  3 m 22 s  
                     
                                            Label : Barclay 
                     
                                                                  Référence :  80483 
                     
                                                                                	 
                    	Présentation : Titre ouverture de l'album "Il n'y a plus rien". 
C'est le premier opus symphonique dans lequel Léo Ferré prend lui-même en charge tous les aspects de la musique, des orchestrations à la direction d'orchestre. 
Le disque s'ouvre donc avec "Préface", réduction du texte qui sert précisément de préface-manifeste à "Poète… vos papiers !", recueil de poésies paru en 1957, 
                                       
                     
                    Plus d'infos 
                    
                    
                    
                 
				                                
               
			 						 				 Ajouté le 15/06/2025              				
                        
                                                                
                                                            
                    
                                        
                    Au TOP 50 de B&M : 
                    
                                                                Classé 1 fois dans les 10 premiers 
                                                                Classé 2 fois dans les 50 premiers 
                                         
                     
                    
                     
                     
                 
			
          				
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                  Paroles
 
                 
                
                  
                   La poésie contemporaine ne chante plus, elle rampe 
Elle a cependant le privilège de la distinction 
Elle ne fréquente pas les mots mal famés, elle les ignore 
On ne prend les mots qu'avec des gants 
À menstruel, on préfère périodique 
Et l'on va répétant qu'il est des termes médicaux 
Qui ne doivent pas sortir des laboratoires et du codex 
 
Le snobisme scolaire qui consiste, en poésie 
À n'employer que certains mots déterminés 
À la priver de certains autres 
Qu'ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques 
Me fait penser au prestige du rince-doigts et du baise-main 
Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres 
Ni le baise-main qui fait la tendresse 
Ce n'est pas le mot qui fait la poésie 
Mais la poésie qui illustre le mot 
 
Les écrivains qui ont recours à leurs doigts 
Pour savoir s'ils ont leur compte de pieds 
Ne sont pas des poètes, ce sont des dactylographes 
 
Le poète d'aujourd'hui doit être d'une caste 
D'un parti ou du Tout-Paris 
Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé 
 
La poésie est une clameur 
Elle doit être entendue comme la musique 
Toute poésie destinée à n'être que lue 
Et enfermée dans sa typographie n'est pas finie 
Elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale 
Tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche 
 
L'embrigadement est un signe des temps, de notre temps 
Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes 
Les sociétés littéraires, c'est encore la société 
La pensée mise en commun est une pensée commune 
 
Mozart est mort seul 
Accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes 
Renoir avait les doigts crochus de rhumatisme 
Ravel avait dans la tête une tumeur qui lui suça d'un coup toute sa musique 
Beethoven était sourd 
Il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok 
Rutebeuf avait faim 
Villon volait pour manger 
Tout le monde s'en fout 
L'art n'est pas un bureau d'anthropométrie 
La lumière ne se fait que sur les tombes 
 
Nous vivons une époque épique 
Et nous n'avons plus rien d'épique 
La musique se vend comme le savon à barbe 
Pour que le désespoir même se vende 
Il ne reste qu'à en trouver la formule 
Tout est prêt, les capitaux, la publicité, la clientèle 
Qui donc inventera le désespoir? 
 
Avec nos avions qui dament le pion au soleil 
Avec nos magnétophones qui se souviennent de ces voix qui se sont tues 
Avec nos âmes en rades au milieu des rues 
Nous sommes au bord du vide 
Ficelés dans nos paquets de viande 
À regarder passer les révolutions 
 
N'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant dans la morale 
C'est que c'est toujours la morale des autres 
Les plus beaux chants sont des chants de revendication 
 
Le vers doit faire l'amour dans la tête des populations 
À l'école de la poésie, on n'apprend pas 
 
On se bat ! 
                                     
                                
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Voici le texte dans son intégralité.
La poésie contemporaine ne chante plus. Elle rampe. Elle a cependant le privilège de la distinction, elle ne fréquente pas les mots mal famés, elle les ignore. Cela arrange bien des esthètes que François Villon ait été un voyou. On ne prend les mots qu'avec des gants: à "menstruel" on préfère "périodique", et l'on va répétant qu'il est des termes médicaux qui ne doivent pas sortir des laboratoires ou du codex. Le snobisme scolaire qui consiste à n'employer en poésie que certains mots déterminés, à la priver de certains autres, qu'ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait penser au prestige du rince-doigts et du baise-main. Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baise-main qui fait la tendresse. Ce n'est pas le mot qui fait la poésie, c'est la poésie qui illustre le mot.
L'alexandrin est un moule à pieds. On n'admet pas qu'il soit mal chaussé, traînant dans la rue des semelles ajourées de musique. La poésie contemporaine qui fait de la prose en le sachant, brandit le spectre de l'alexandrin comme une forme pressurée et intouchable. Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s'ils ont leur compte de pieds ne sont pas des poètes: ce sont des dactylographes. Le vers est musique; le vers sans musique est littérature. Le poème en prose c'est de la prose poétique. Le vers libre n'est plus le vers puisque le propre du vers est de n'être point libre. La syntaxe du vers est une syntaxe harmonique - toutes licences comprises. Il n'y a point de fautes d'harmonie en art; il n'y a que des fautes de goût. L'harmonie peut s'apprendre à l'école. Le goût est le sourire de l'âme; il y a des âmes qui ont un vilain rictus, c'est ce qui fait le mauvais goût. Le Concerto de Bela Bartok vaut celui de Beethoven. Qu'importe si l'alexandrin de Bartok a les pieds mal chaussés, puisqu'il nous traîne dans les étoiles! La Lumière d'où qu'elle vienne EST la Lumière…
En France, la poésie est concentrationnaire. Elle n'a d'yeux que pour les fleurs; le contexte d'humus et de fermentation qui fait la vie n'est pas dans le texte. On a rogné les ailes à l'albatros en lui laissant juste ce qu'il faut de moignons pour s'ébattre dans la basse-cour littéraire. Le poète est devenu son propre réducteur d'ailes, il s'habille en confection avec du kapok dans le style et de la fibranne dans l'idée, il habite le palier au-dessus du reportage hebdomadaire. Il n'y a plus rien à attendre du poète muselé, accroupi et content dans notre monde, il n'y a plus rien à espérer de l'homme parqué, fiché et souriant à l'aventure du vedettariat.
Le poète d'aujourd'hui doit être d'une caste, d'un parti ou du Tout-Paris.
Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé. Enfin, pour être poète, je veux dire reconnu, il faut "aller à la ligne". Le poète n'a plus rien à dire, il s'est lui-même sabordé depuis qu'il a soumis le vers français aux diktats de l'hermétisme et de l'écriture dite "automatique". L'écriture automatique ne donne pas le talent. Le poète automatique est devenu un cruciverbiste dont le chemin de croix est un damier avec des chicanes et des clôtures: le five o'clock de l'abstraction collective.
La poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie; elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche. Il faut que l'œil écoute le chant de l'imprimerie, il faut qu'il en soit de la poésie lue comme de la lecture des sous-titres sur une bande filmée: le vers écrit ne doit être que la version originale d'une photographie, d'un tableau, d'une sculpture.
Dès que le vers est libre, l'œil est égaré, il ne lit plus qu'à plat; le relief est absent comme est absente la musique. "Enfin Malherbe vint…" et Boileau avec lui… et toutes les écoles, et toutes les communautés, et tous les phalanstères de l'imbécillité! L'embrigadement est un signe des temps, de notre temps. Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes. Les sociétés littéraires sont encore la Société. La pensée mise en commun est une pensée commune. Du jour où l'abstraction, voire l'arbitraire, a remplacé la sensibilité, de ce jour-là date, non pas la décadence qui est encore de l'amour, mais la faillite de l'Art. Les poètes, exsangues, n'ont plus que du papier chiffon, les musiciens que des portées vides ou dodécaphoniques - ce qui revient au même, les peintres du fusain à bille. L'art abstrait est une ordure magique où viennent picorer les amateurs de salons louches qui ne reconnaîtront jamais Van Gogh dans la rue… Car enfin, le divin Mozart n'est divin qu'en ce bicentenaire!
Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes. Qu'importe! Aujourd'hui le catalogue Koechel est devenu le Bottin de tout musicologue qui a fait au moins une fois le voyage à Salzbourg! L'art est anonyme et n'aspire qu'à se dépouiller de ses contacts charnels. L'art n'est pas un bureau d'anthropométrie. Les tables des matières ne s'embarrassent jamais de fiches signalétiques… On sait que Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes, que Beethoven était sourd, que Ravel avait une tumeur qui lui suça d'un coup toute sa musique, qu'il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok, on sait que Rutebeuf avait faim, que Villon volait pour manger, que Baudelaire eut de lancinants soucis de blanchisseuse: cela ne représente rien qui ne soit qu'anecdotique. La lumière ne se fait que sur les tombes.
Avec nos avions qui dament le pion au soleil, avec nos magnétophones qui se souviennent de "ces voix qui se sont tues", avec nos âmes en rade au milieu des rues, nous sommes au bord du vide, ficelés dans nos paquets de viande, à regarder passer les révolutions. Le seul droit qui reste à la poésie est de faire parler les pierres, frémir les drapeaux malades, s'accoupler les pensées secrètes.
Nous vivons une époque épique qui a commencé avec la machine à vapeur et qui se termine par la désintégration de l'atome. L'énergie enfermée dans la formule relativiste nous donnera demain la salle de bains portative et une monnaie à piles qui reléguera l'or dans la mémoire des westerns… La poésie devra-t-elle s'alimenter aux accumulateurs nucléaires et mettre l'âme humaine et son désarroi dans un herbier?
Nous vivons une époque épique et nous n'avons plus rien d'épique. A New York le dentifrice chlorophylle fait un paté de néon dans la forêt des gratte-ciel. On vend la musique comme on vend le savon à barbe. Le progrès, c'est la culture en pilules. Pour que le désespoir même se vende, il ne reste qu'à en trouver la formule. Tout est prêt: les capitaux, la publicité, la clientèle. Qui donc inventera le désespoir?
Dans notre siècle il faut être médiocre, c'est la seule chance qu'on ait de ne point gêner autrui. L'artiste est à descendre, sans délai, comme un oiseau perdu le premier jour de la chasse. Il n'y a plus de chasse gardée, tous les jours sont bons. Aucune complaisance, la société se défend. Il faut s'appeler Claudel ou Jean de Létraz, il faut être incompréhensible ou vulgaire, lyrique ou populaire, il n'y a pas de milieu, il n'y a que des variantes. Dès qu'une idée saine voit le jour, elle est aussitôt happée et mise en compote, et son auteur est traité d'anarchiste.
Divine Anarchie, adorable Anarchie, tu n'es pas un système, un parti, une référence, mais un état d'âme. Tu es la seule invention de l'homme, et sa solitude, et ce qui lui reste de liberté. Tu es l'avoine du poète.
A vos plumes poètes, la poésie crie au secours, le mot Anarchie est inscrit sur le front de ses anges noirs; ne leur coupez pas les ailes! La violence est l'apanage du muscle, les oiseaux dans leurs cris de détresse empruntent à la violence musicale. Les plus beaux chants sont des chants de revendication. Le vers doit faire l'amour dans la tête des populations. A l'école de la poésie, on n'apprend pas: on se bat.
Place à la poésie, hommes traqués! Mettez des tapis sous ses pas meurtris, accordez vos cordes cassées à son diapason lunaire, donnez-lui un bol de riz, un verre d'eau, un sourire, ouvrez les portes sur ce no man's land où les chiens n'ont plus de muselière, les chevaux de licol, ni les hommes de salaires.
N'oubliez jamais que le rire n'est pas le propre de l'homme, mais qu'il est le propre de la Société. L'homme seul ne rit pas; il lui arrive quelquefois de pleurer.
N'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant dans la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres.
Je voudrais que ces quelques vers constituent un manifeste du désespoir, je voudrais que ces quelques vers constituent pour les hommes libres qui demeurent mes frères un manifeste de l'espoir.
Notre Nanard stéphanois national, en bon adorateur du Léo, en avait fait la reprise en 1997 sur le disque "Clair Obscur".
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